Pour dimensionner une batterie adaptée à une installation de 6 kWc, il faut partir des besoins réels d’énergie et des profils d’usage, puis traduire ces données en capacité utile, en puissance de charge et de décharge, et en choix technologiques compatibles avec un onduleur hybride. La puissance crête d’un champ photovoltaïque n’indique pas à elle seule la taille de batterie idéale. Le bon dimensionnement repose sur une analyse croisée de la production attendue, de la consommation, de la part d’autoconsommation visée et des contraintes techniques de l’installation.
La première étape consiste à estimer la production annuelle et saisonnière d’un générateur de 6 kWc. Sous latitudes françaises, un champ correctement orienté et peu ombragé produit généralement entre 6000 et 9000 kWh par an selon la région, l’inclinaison et l’orientation. En moyenne, cela représente de 16 à 25 kWh par jour sur l’année, avec de fortes variations : environ 8 à 12 kWh par jour en hiver, 20 à 35 kWh par jour du printemps à l’été, et une intersaison intermédiaire. Cette variabilité est déterminante car une batterie sert surtout à déplacer l’énergie d’un moment de la journée à un autre, pas à compenser un déficit saisonnier prolongé. Surdimensionner une batterie pour stocker l’excédent d’été afin de couvrir l’hiver n’a pas de sens sur une installation raccordée au réseau.
Deuxième étape : analyser la consommation. Une maison sans chauffage électrique consomme souvent entre 2500 et 4000 kWh par an, soit 7 à 11 kWh par jour, tandis qu’un foyer avec pompe à chaleur, véhicule électrique ou piscine peut dépasser 6000 à 10000 kWh par an. Le facteur clé est la répartition horaire : quelle part est consommée le jour en présence du soleil, et quelle part le soir et la nuit ? Plus la consommation est décalée vers la nuit, plus le besoin de stockage est important. En pratique, sans pilotage, la part autoconsommée directement par une installation de 6 kWc se situe souvent entre 25 et 45 %. Avec un pilotage simple des usages (ballon d’eau chaude, lave-linge, recharge de voiture programmée en journée), on peut viser 40 à 60 % sans batterie. La batterie vient ensuite augmenter cette part en couvrant la demande de soirée et de nuit.
Troisième étape : estimer l’énergie à stocker par jour pour atteindre l’objectif d’autoconsommation. On part de la consommation résiduelle du soir et de la nuit, puis on vérifie si la production de la journée, déduction faite des usages pilotables en direct, laisse un surplus suffisant pour recharger la batterie. Sur un 6 kWc en mi-saison, il n’est pas rare de disposer de 8 à 15 kWh d’excédent diurne les jours ensoleillés. En hiver, le surplus est plus faible et la batterie sera moins sollicitée ; en été, l’excédent peut dépasser ce que la batterie peut absorber, d’où l’intérêt de ne pas la surdimensionner.
Quatrième étape : traduire l’énergie à déplacer par jour en capacité nominale de batterie. La capacité utile d’une batterie ne correspond jamais à 100 % de la capacité nominale. On intègre la profondeur de décharge admissible et le rendement de cycle charge-décharge. Pour une batterie lithium fer phosphate (LiFePO4), standard du résidentiel, on retient souvent 90 % de profondeur de décharge et 92 à 95 % de rendement de cycle. La formule pratique est la suivante : capacité nominale en kWh = énergie à fournir la nuit / (DoD × rendement de cycle). Exemple : pour délivrer 7 kWh utiles chaque soir, avec 90 % de DoD et 92 % de rendement, la capacité nominale cible est d’environ 7 / (0,9 × 0,92) ≈ 8,5 kWh. On ajoute une petite marge pour compenser le vieillissement et garantir la puissance de pointe, ce qui oriente vers 9 à 10 kWh.
Cinquième étape : vérifier la puissance de décharge et la compatibilité avec l’onduleur. Un onduleur hybride résidentiel de 5 à 6 kVA est courant avec 6 kWc. Pour alimenter des pointes de 3 à 5 kW en soirée, il faut que la batterie puisse fournir cette puissance sans dépasser son taux de décharge recommandé. Les batteries se caractérisent par un C-rate : une batterie 10 kWh avec un C-rate continu de 0,5 C peut délivrer 5 kW en continu. Si vos pointes dépassent 5 kW, soit on accepte que l’excédent vienne du réseau, soit on choisit une batterie ou une configuration multi-modules avec une puissance admissible plus élevée. La puissance de charge est tout aussi importante : l’excédent solaire doit pouvoir remplir la batterie en quelques heures en milieu de journée, notamment au printemps et en été. Une charge trop lente bride l’autoconsommation.
Sixième étape : intégrer la stratégie d’usage. L’objectif en autoconsommation n’est pas de rester hors réseau, mais d’utiliser au mieux l’énergie solaire locale. Une batterie dimensionnée pour se charger en fin de matinée et se décharger dans la soirée jusqu’au petit matin, la plupart des jours de l’année hors hiver profond, maximise le ratio coût-bénéfice. En pratique, pour 6 kWc, le cœur de cible se situe souvent entre 8 et 15 kWh. En dessous de 7 à 8 kWh, l’impact sur l’autoconsommation est plus limité. Au-delà de 15 à 20 kWh, le rendement économique décroît nettement si l’objectif n’est pas l’appoint en secours ou la recharge nocturne d’un véhicule à forte capacité.
Pour affiner, il est utile de raisonner par scénarios types. Un foyer de 4 personnes sans chauffage électrique consomme autour de 10 à 12 kWh par jour. En ciblant la couverture de la soirée et d’une partie de la nuit, le besoin utile est de 6 à 8 kWh. En appliquant DoD 90 % et rendement 92 %, une batterie de 8 à 10 kWh convient très bien. Si le foyer ajoute une programmation du chauffe-eau entre 11 h et 15 h et place une partie du lavage en journée, une batterie de 8 kWh suffit souvent à porter l’autoconsommation annuelle à 60 à 75 % selon la région. Un foyer avec pompe à chaleur qui consomme 18 à 25 kWh par jour en hiver aura peu d’apport batterie sur la saison froide par manque d’excédent solaire, mais bénéficiera d’un stockage de 10 à 15 kWh au printemps et en été pour lisser les pointes du soir et réduire l’injection réseau. Avec une borne de recharge de véhicule, si la recharge est majoritairement diurne, la batterie peut rester à 10 à 12 kWh. Si la recharge se fait surtout en soirée, une capacité de 15 à 20 kWh devient pertinente pour absorber 10 à 12 kWh de charge nocturne solaire reportée.
Un autre angle pratique consiste à lier la capacité à la puissance crête : pour 6 kWc, viser une plage de 1 à 2,5 kWh par kWc donne une fourchette de 6 à 15 kWh, cohérente avec les profils résidentiels. On s’écarte de cette plage en cas de besoins spécifiques : alimentation de secours prolongée, site partiellement isolé, ou usages nocturnes très concentrés.
Le choix technologique de la batterie influence la capacité utile et la durabilité. Les batteries LiFePO4 dominent aujourd’hui le marché résidentiel pour leur sécurité, leur longévité et leur rendement élevé. Un pack LiFePO4 de qualité annonce 4000 à 6000 cycles à 80 % de DoD, ce qui couvre 10 à 15 ans en usage quotidien. Les technologies plomb ne sont plus compétitives pour une installation de 6 kWc en raison d’une profondeur de décharge limitée, d’un rendement plus faible et d’une durée de vie réduite. Les batteries haute tension, souvent modulaires, offrent des rendements légèrement supérieurs et une meilleure intégration avec les onduleurs hybrides actuels, tandis que les batteries 48 V conservent une grande compatibilité et une maintenance facilitée, au prix d’intensités plus élevées pour une même puissance.
La question onduleur hybride est centrale. Un couplage DC, où la batterie est reliée côté continu au même bus que les panneaux, limite les conversions et optimise le rendement de charge. Un couplage AC, via un chargeur onduleur dédié, ajoute de la souplesse sur une installation existante mais avec quelques pertes supplémentaires. Il faut vérifier la puissance batterie maximale de l’onduleur, la plage de tension compatible, la puissance de charge et de décharge, la gestion du réseau et des limites d’injection, ainsi que le support des marques et protocoles BMS des batteries. Beaucoup d’onduleurs hybrides 5 à 6 kW exigent une capacité minimale de 7 à 10 kWh pour autoriser la pleine puissance batterie en continu. Avec 6 kWc, choisir un onduleur hybride 5 à 6 kW, une puissance de charge d’au moins 3 à 5 kW, et une batterie permettant 0,5 à 1 C en crête assure une exploitation efficace.
L’optimisation de l’autoconsommation ne tient pas qu’à la taille de la batterie. Le pilotage intelligent des charges, la planification des usages, et des fonctions avancées comme la limitation ou l’élévation de l’état de charge cible selon la météo prévue augmentent l’efficacité sans surcoût matériel significatif. Par exemple, maintenir une consigne de charge maximale à 80 % en période de temps incertain, puis accepter 100 % avant une journée annoncée très ensoleillée, permet de libérer de la capacité pour capter l’excédent solaire et améliorer le taux d’utilisation de la batterie. Un relais pour forcer le chauffe-eau en milieu de journée, la programmation de la borne EV en fonction de la puissance PV disponible, et l’activation d’appareils flexibles pendant le pic solaire réduisent la taille de batterie nécessaire pour atteindre le même résultat.
Il faut aussi considérer la sécurité et la conformité. Installer la batterie dans un local sec, ventilé, à l’abri des températures extrêmes et des chocs, avec un chemin de câbles adapté, un dispositif de protection et une mise à la terre conformes, prolonge la durée de vie et sécurise l’installation. L’accessibilité pour la maintenance, la protection contre les surintensités et les protections DC et AC doivent être cohérentes avec les prescriptions de l’onduleur et de la batterie. La compatibilité logicielle entre l’onduleur et la batterie, le support du BMS et la disponibilité des mises à jour sont des critères à ne pas négliger.
Pour un objectif de secours électrique en cas de coupure, la logique de dimensionnement peut changer : il faut couvrir la puissance des circuits critiques et la durée souhaitée d’autonomie. Souvent, on alimente un sous-tableau d’usages essentiels. Avec un 6 kWc, une batterie de 10 à 15 kWh et un onduleur hybride 5 à 6 kW dotés d’une sortie secours offrent déjà une bonne résilience pour plusieurs heures, en particulier si l’ensoleillement contribue en journée. Pour des coupures prolongées, la réduction de la puissance appelée est plus efficace qu’une batterie surdimensionnée.
Côté économie, viser un nombre de cycles élevé et une profondeur de décharge raisonnable permet d’abaisser le coût par kWh cyclé. Une batterie exploitée entre 20 % et 90 % de SOC au quotidien, qui se charge et se décharge presque entièrement lors des journées ensoleillées du printemps et de l’été, atteint un bon compromis. En hiver, accepter une moindre contribution du stockage évite de dimensionner trop grand pour des bénéfices marginaux. En général, sur un 6 kWc, une capacité autour de 10 à 12 kWh maximise le rapport gains surcoût pour un foyer moyen. Monter à 15 à 20 kWh devient pertinent quand les usages nocturnes sont élevés ou quand le besoin de secours est prioritaire.
Voici un fil conducteur simple à appliquer pour passer du besoin à la capacité cible :
1) Évaluer la consommation quotidienne et la part située entre 18 h et 8 h. C’est la demande de soirée et de nuit que la batterie peut couvrir.
2) Estimer la production disponible en journée, sur la base locale : 6 kWc produisent rarement assez l’hiver pour charger pleinement une grosse batterie, mais le font souvent d’avril à septembre.
3) Fixer la part à couvrir la nuit : par exemple 70 à 100 % de l’énergie nocturne sur les jours ensoleillés.
4) Convertir en capacité : diviser l’énergie nocturne ciblée par la profondeur de décharge et le rendement de cycle.
5) Vérifier la puissance : s’assurer que la batterie et l’onduleur peuvent fournir les pointes demandées. Un besoin de 5 kW en continu demande au moins 10 kWh avec un C-rate de 0,5 C, ou une batterie spécifiée pour 1 C.
6) Ajuster selon la stratégie d’usage et les équipements pilotables. Plus le pilotage est fin, plus la capacité peut être contenue.
Un exemple concret illustre ce dimensionnement. Supposons une maison consommant 12 kWh par jour, dont 5 kWh le jour et 7 kWh le soir et la nuit. Un 6 kWc bien orienté produit en moyenne 18 kWh par jour sur l’année, avec 25 à 30 kWh un jour d’été ensoleillé et 9 à 12 kWh en hiver. Sans batterie, la maison autoconsomme 5 kWh le jour plus 1 à 2 kWh par coïncidence, soit environ 6 à 7 kWh. La batterie vise à couvrir 7 kWh nocturnes. En appliquant DoD 90 % et rendement 92 %, la capacité nominale est de 8,5 kWh. Pour absorber des pointes de 4 à 5 kW en cuisson et multimédia, on choisit une batterie capable de 0,5 C en continu, donc 10 kWh nominaux. On programme le chauffe-eau à midi pour réduire le besoin nocturne à 5 kWh les jours ensoleillés, et la batterie se recharge la plupart des jours hors hiver. Résultat : une autoconsommation qui franchit 65 à 75 % selon les saisons, un bon taux d’utilisation de la batterie et des pertes limitées.
Pour un foyer avec pompe à chaleur et véhicule électrique, consommation moyenne 20 kWh par jour hors hiver profond, on peut viser 10 à 12 kWh de couverture nocturne en mi-saison et en été. Le calcul conduit à 12 / (0,9 × 0,92) ≈ 14,5 kWh nominaux. En adoptant une batterie modulaire de 15 kWh avec une puissance de charge et de décharge de 5 kW ou plus, et un pilotage de la borne pour profiter du solaire en journée quand c’est possible, on atteint un équilibre pertinent. En plein hiver, l’apport batterie sera moindre, mais l’installation reste optimisée le reste de l’année.
Au moment de l’achat, privilégier des modules compatibles et certifiés avec l’onduleur hybride, un BMS robuste, une garantie claire en cycles et en années, une extensibilité future si les usages évoluent, et une courbe de puissance cohérente avec les pointes de la maison. Vérifier également le rendement global annoncé et la présence de fonctions logicielles utiles : priorisation des charges, seuils de SOC dynamiques, sauvegarde en cas de coupure, limitation d’injection, intégration à un routeur d’eau chaude ou à une gestion domotique.
En résumé, un 6 kWc résidentiel trouve son optimum de stockage autour de 8 à 15 kWh selon le profil de consommation, la stratégie de pilotage et le besoin de secours. Le dimensionnement pas à pas revient à couvrir la demande nocturne typique des jours ensoleillés, à vérifier la puissance de décharge pour les pointes, à tenir compte des rendements et de la profondeur de décharge, et à articuler l’ensemble avec un onduleur hybride capable d’exploiter pleinement la batterie. En respectant ces principes, la batterie devient un levier efficace pour maximiser l’autoconsommation, réduire les achats au réseau et valoriser durablement l’énergie solaire produite par un champ de 6 kWc.